ERA-ZI, ARA-ZI (EA-ZI, AA-ZI,
formes contractées) de /ERA-/IRA-/ARA-/ radical
verbal + /-Z/ ? désinence
d’instrumental
+ /-I/ désinence primaire : 1º “faire, agir”
; 2º “inciter, contraindre”. Verbe factitif
auxiliant un autre verbe ou un nom à sens verbal, lui-même
auxilié du verbe avoir (transitif) ou du verbe être (médio-passif).
Le plus souvent en deuxième terme du composé et déterminant
le verbe qui le précède, comme dans le sanskrit ou le latin,
parfois en premier terme de composition : ERAGIN “influence,
contrainte, cause”, “influencer, inciter à” de
EGIN “faire”, donc sens de “faire faire”,
“causer”, etc.
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préverbe :
ERA-/IRA- : cf. IRA-K(H)US-I
“faire voir, montrer, enseigner” (IK(H)US-I
“voir”) ; ERA-GIN “faire faire,
provoquer, induire, entraîner” ; IRA-TZARI
“réveiller” ; IRA-GAN (GAN “aller”)
“passer, surmonter”
ZIRAGAN “transpercer”
/*ZI-/ (éol. ζά-
(zá-) = gr. διά
(diá)) + /IRA/ + /GAN/...) ; IRAUN
“durer, préserver” de /*AUN/*AIUN/
“durée” (cf. gr. αἰών
(aiṓn) “force vitale, vie”, “durée,
éternité”
bsq. AIUTA “élan, rapidité, vélocité,
violence”, etc.) préfixé de /IRA-/
IRAUN, IRAUTEN
et, en conjugaison synthétique, DIRAU “il
dure”, DIRAUENO “tant qu’il dure, tant
qu’il tient bon” ; ERAUZI “faire sauter”
(DAUZ-I “sauter, bondir”) ; ERADAN
“abreuver, faire boire” (EDAN “boire”)
; IRADOKI “faire face, affronter, faire voir”
(IDOKI “révéler, ouvrir”) ;
ERHAUTSI “pulvériser” (HAUTS-I
“découper, briser, rompre”) ; ERAUTS-I
“faire descendre” ou actif “descendre”
(JEUTS-I “descendre”); etc. |
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postverbal : –ERA-ZI/-ARA-ZI
: cf. ADI-ERA-ZI “(se) faire entendre”,
ATZAR-ERA-ZI “réveiller”, EGIN-ARA-ZI
“faire faire”), EDAN-ERA-ZI “abreuver,
faire boire”, BERO-ERA-ZI “faire chauffer”,
“chauffer”, KHEX-ERA-ZI “provoquer
à la colère” et actif “fâcher”,
etc. |
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Bsq. thème
I BURUTZIA et ERAZI recouvrent gr. thème II πραξίς,
πρακτυς et πραξία
(praxís, praktus, praxía) “accomplissement”.
ERA-ZI/ARA-ZI fonctionne comme radical
verbal se conjuguant par auxiliaires, mais il pourrait avoir été
un verbe impersonnel et le /*-ZI/ correspondrait à la désinence
de troisième personne de hitt. /-zi̊
/, skr. /ti/ et lat. /-t/,
etc ? Ou serait une marque d’aoriste
correspondant à gr. ἔπρᾱξα
(éprāxa) “aller jusqu’au bout, traverser”
dans la poésie épique (cf. gr. εἶξα
(eĩxa) “céder, reculer” et bsq. UTZ-I
“laisser, abandonner, céder” ; gr. ἔχρῑσα
(ékhrīsa), aoriste du verbe χρī́ω
(khrī́ō) “frotter, oindre, enduire” et bsq. E/EIGURZ-I
“enduire, frotter”, “oindre”) ? πρᾱ́–
L’idée de “réaliser”, “aller
jusqu’au bout”, “achever, accomplie”... est rendue
en gr. par πρᾱ́σσω
(prā́ssō), att. πρ ττω
(prā́ttō) : partant de πρ -
(prā́-), hom. Chtr. 935. Or gr. πρ -
(prā́-) correspond à bsq. /BURU/
BURU-TU/BUKA-TU, soit homologie formelle et
structurelle et BURUTZI-A = gr. πραξία
(praxía).
À comparer avec le tour grec γνωριζω
(gnōrízō) “je fais connaître” et bsq.
E-ZA-GUNERAZI “faire connaître”
(le /e/ initial serait un augment
survivant d’une forme verbale ancienne, le /*ZA/ correspondrait
au gr. διά- (diá-).
Cf dia-gnostic, forme éolienne ζά-
(zá-) pour διά-
(diá-), avec un sens superlatif, + /GUN/, got. kann
“connaître”. Cf. lat. narro,
-āre “faire connaître”. La forme grecque
est « obscure », pour MEILLET, et la forme latine interprétée
comme un « dénominatif de (g)nārus
avec une gémination
expressive du /r/ »,
M. 278.
Mais l’explication, rejetée par A. MEILLET,
semble la bonne : /*(g)nār(ŭ)rō/,
causatif, cf. -GUNER-A-ZI ; les structures semblent
se superposer et les sens aussi.
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Autres correspondances possibles : |
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Skr. |
ríṇvati
et riṇā́ti
“fait couler” bsq.
EURIN-AA-ZI “faire pleuvoir”; |
Skr. |
irasyàti “il
se met en colère” |
Skr. |
jínvati et jinā́ti
“donner vie” /gwi-ne-Hw-ti/
(A. MARTINET, Évolution des langues, 165-166)
bsq. JIN-AA-ZI
“faire venir” ; |
Gr. |
πλανᾶν
(planãn) causatif de pπλανάομαι
(planáomai) “errer”, correspondant à
lat. errare “aller à l’aventure”, “flâner”,
“être incertain, flottant”. |
Lat. |
causatif
en /-eyō/ : moneō, monere,
avec degré /o/
de la racine /*men/ “penser”
; sens “ appeler l’attention sur, avertir, faire
penser, faire souvenir” [bsq. MIN “sentiment,
douleur, pensée”, “attention, souvenir”].
Même type de construction que mulgēo,
-ēre “traire”, noceō
“causer la mort”
/*nek/ + /-eyō/
; fŏuěo “chauffer,
réchauffer” [= BEROA–ZI, sur
probable racine à thème I /*BAR/*PUR/
“feu”, dont le thème II réduit /*bhl-eg’/
et thème III /*bhlh̥-g/:
cf. lat. fulgo, -ere, fulgeo, -ēre
et flagro, -āre “flamber”,
flamma “flamme” ; skr. bhrā́jȧte,
avest. brāzaiti “briller”,
etc. Chtr. 1210, s/φλέγω
(phlégō).]
/*dhogwh-/
qui donne skr. dāhàyati
/dahà/ + causatif
/-eye/a/, avest.
dazaèti “il
brûle”. |
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Le “verbe impersonnel” évoqué supra
peut être bâti sur /ARA/ERA/, substantif, “connaissance,
expérience, mesure, proportion...”. On peut admettre pour base
la forme /AUR-/ “devant, avant” à degré
réduit /*UR-/*(H)UR-/ (cf. AURKO, AUREN,
(H)URREN, (H)URBIL), avec consonne initiale dans BAR(R)-ANDA
“guet” v.h.a. fara
“guet”, BUR-U-Z-AGI “commandant,
dirigeant en chef”, un état II désinencé deux
fois : /Z/ désinence d’instrumental
+ /I/ désinence verbale primaire. Ainsi pour la forme /*-ZI/
postverbale ou en deuxième terme ER
[1] -A [2] -Z [3] -I
[4] :
[1] ER thème II, vocalisme /e/,
de /AUR-/, thème I, comme /UR-/ de URRUN, de
(H)URBIL et également vocalisme /e/
arm. ereç “aîné”
= bsq. AURREKO ;
[2] A(T) désinence d’adlatif ;
[3] Z désinence d’instrumental ;
[4] I désinence verbale primaire.
On retrouve /-Z/ d’instrumental dans BUR-U-Z-AGI
= gr. προσάγειν
(proságein).
Cf. skr. puro-gava “qui
va en tête” = “chef”, donc /BUR-U/
“terme, extrémité, objectif” et “tête”
dans l’euskera moderne, correspond aux prépositions-adverbes
des langues i.-e. : lat. per- “à
travers, pendant”, prō et
por-, præ qui se rattachent à
prī, prior et primus
dont le sens propre est “en avant” (M. 497) ; skr. pȧrā
“de côté”, “à l’écart”
; skr. pāri, v. perse paryi,
gr. περί, περ
(perí, per), got fair (cf. v.h.a.
fara
bsq. BAR(R)-ANDA “guet”), v.sl. prě,
lit. per “en avant, au dessus,
très”. Le /ί/ (i)
de περί (perí)
serait une désinence de locatif (M. 497) et correspond à bsq.
/*IRI/ “autour de” (cf. toponymes IRAU, IREI, IRUPIL...
Estérençuby, sites à cromlechs). Et bsq. /ERA-/IRA-/
pourrait être une variante de bsq. /*IRI/ ? Dans les composés
ORTZIRALE/OSTIRALE “vendredi”, le
premier terme /ORTZ(I)/ “dieu” et ORTZEGUN
“jeudi” = litt. “jour de ORTZI” (cf. lat.
jovis-diē) est complété
par /IRA-LE/. Si le /-LE/ est un suffixe d’agent
(i.-e. /*-lo/), /IRA/
est perçu comme verbe, comme dans ERA-ZI/ERA-ZTE.
Donc ORTZIRALE signifierait approximativement “qui est au-delà
de jeudi, le lendemain du jeudi (jour de dieu)”. Ainsi /IRA/
aurait aussi le sens de “au-delà de”. Cf. lat. *peren-diē
“le jour par delà” qui a donné en lat. classique
perendiē, adverbe, “après
demain” et même “le surlendemain” dans Plaute et
Cicéron (M. 498). Ainsi le sens de “ultérieur”
s’attacherait à /ERA-/IRA-/ en matière
de temps, ce qui s’applique à l’avenir surtout. On comprend
aussi la valeur causative, factitive du morphème : un thème
pouvant prendre des flexions. Cf. ERAGIN “influence”,
ERAGILE “facteur, cause, vecteur de”.
Bsq. /AUR-/, degré réduit /*UR-/*(H)UR-/,
“devant, avant” donne, par exemple, (H)UR-BIL,
(H)UR-KO “proche”, mais également URR-UN/URR-U-TI
“loin”, URR-EN “prochain”, URR-EN-DU
“terminer” avec divers doublets : BUR-U-TU et
BUKA-TU “terminer”, “en arriver à bout,
l’emporter, vaincre” = GARAI-TU d’une racine /GAR-/
= “tête”...
Pour bsq. /*ERA-/*ARA-/*IRA-/ l’homologie
structurale est évidente avec les termes des langues i.-e. :
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Lat. perendiē
“après demain”, “le lendemain”,
bsq. AURREN-EGUN “le jour suivant”
; lat. per-īre “avancer”,
bsq. AURRE-RA-TU “avancer”
; lat. perītus “qui
a de l’expérience”, experior
“éprouver” et periculum
; gr. πεῖρα
(peīra) “épreuve, essai”, v.h.a. fāra
“action de guetter”, “danger”, bsq.
AURRE-TI-AZ “par anticipation”,
AURR-EZ-KERA “accueil”, etc.
; lat. perpes “qui
s’avance d’une manière continue”, “perpétuel”,
pertinēre “s’étendre
sans interruption”, “s’appliquer”, etc.
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Bsq. ERASO, dont l’une
des acceptions est “attaquer”, semble recouvrir
partiellement gr. πείρασις
(peírasis) “tentative”, “tentative
de séduction (d’une femme)” s/πει̂ρα
(peȋra) “fait de mettre à l’épreuve”,
“tentative, essai, expérience” [Bsq. ARA
“expérience”]
πειραζω
(peirazō) “provoquer”, πείραμα
(peírama) “expérience”,... de la racine
de πείρω
(peírō) “percer, transpercer” repose
sur /*per-yə2 /
avec le même suffixe fournissant entre autres des abstraits
tels que μοῖρα
(moĩra), ὄσσα
(óssa) ; cf. bsq. ZILO/RO
“trou” /*ZI/
(gr. διά
(diá)) + /IR-O/ (/o/ de thématisation
?) gr. πει̂ρα
(peȋra), dont « la notion originelle serait quelque
chose comme “aller de l’avant, pénétrer
dans”, etc... » Chtr. 870.
Pour ERASO noter /*-SO/ suffixe énigmatique
qui se retrouve dans BURHASO, AMASO,
AITASO… |
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Bsq. BURU correspond à
gr. πει̂ραρ
(peîrar) “terme, limite, extrémité”
*περϝαρ
(perϝar) avec flexion en ρ/ν
(r/n)
:
o Flexion de vieux locatif en /-R/ dans ZAMA-R
“couverture herbeuse du sol” (Beyrie-Sur-Joyeuse)
= “à terre”, dans HONDA-R “sable,
sédiment” = “au fond”, BUHA-R
“sommet (d’arbre) ”...
o Flexion moderne de locatif-inessif
en /-N/ dans ETXE-N, ATZE-N,
ORTZI-N, etc.
« confirmé par le composé ἀπειρων
[apeirōn] et le verbe dénominatif περαινω
[perainō] », Chtr. 871, “achever, mener à
terme, accomplir” περ-
(per-), à quoi répondent les formes bsq. BURU-TU
“achever”, BURU-R-AINO (
BURU-R-AT-DINO) “jusqu’à
terme”, gr. πρᾱ́σσω
(prā́sso), etc. |
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Gr. πρᾱσις
(prāsis) “vente”, πέρνημι
(pérnēmi) “vendre en transportant ailleurs,
en exportant” περ-,
de là πόρνη
(pórnē) “prostituée” = “femme
vendue”, πορνιδιον
(pornidion) “bordel”. |
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Gr. πέρα̂
(pérā) “au-delà, de l’autre côté”
περαίτερος
(peraíteros) “qui va plus loin”
περ- (per-)
= bsq. AURRE-RA-TU-AGO, AURRE-RA-TU-EN
“le plus avancé” ; URRUN
*URRU-EN, thème II de /AUR-/ ? et
URRUTI “(au) loin”
gr. πρόσω,
πρόσσω (prósō,
prósō) “en avant”, parfois “loin”.
Chtr. 942. |
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Gr. πείρω
(peírō) “percer, transpercer”, πορει̂ν
(poreȋn) “fournir, procurer, accorder”, πόρος
(póros) “passage d’une rivière, gué,
détroit, passage en général, pont, ouverture,
pores”, etc. περ-
(per-), Chtr. 929 = bsq. /ARTE/
/ATHE/ATHA-/ dans les composés : toponymes
ZUZIN-ATE (détroit rocheux à Estérençuby),
ATHA-BURU, ERROIZATE (Estérençuby),
ORH-ATHE (Orbaizeta), OLTZ-ARTE
(Soule), INDARTE, LASARTE, UHARTE,
AIZARTE, MENDATE. |
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Lat. părĭo,
părěre “procurer un enfant”
partŭrĭo,
partŭrīre “être en couches”,
bsq. HAUR “enfant”?? Bsq. HAUR sans
doute de la racine du verbe /EROAN/, avec /AUR-/ER-/etc.,
en premier terme et /JOAN/ en deuxième terme. |
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Skr. pūrdhi
impératif “donne” = bsq. AURREZTU
“avancer, épargner/prêter”. |
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Bsq. ER-OAN “faire
aller” = “porter”, gr. φέρω,
φορειν (phérō,
phorein), lat. fěro, ferre,
“porter”... Gr. πορειν
(porein) et φορειν
(phorein) et lat. ferre
pourraient s’être contaminés. |
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Cf. gr. hom. (ϝ)ερδω
[(ϝ)erdō] et ῥεζω
(ϝ/wrezō), mycén. woze,
ϝορζει
(ϝorzei) dit du travail de la terre, sens “faire, causer”
; ἔρδω (érdō),
phonétiquement de ῥεζω
(ϝ/wrezō) “avoir une activité
importante, productive, qui engage”. Le radical en serait /*werg-/,
Chtr. 364, s/ἔργον
(érgon) “travail, oeuvre” : « I.-e. /*w?gyō/
a pu aboutir à *ϝράζω
[ϝrázō], avec une autre vocalisation de la sonante,
ce qui rendrait compte du doublet ῥεζω
[ϝ/wrezō] » [...] « le vocalisme
zéro de /*w?gyō/ que nous
avons posé et que garantit le mycénien se trouve confirmé
par avest. vərəzyeiti = got.
waurkeiþ ».
Voir
ARA, ATHE,
AUR-, BURU,
HURBIL, EROAN/IRUAN/ERAMAN,
/*IRI/... |