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BEHATZE “regard, écoute, obéissance, attention, observation”, “respect, acquiescement, soumission”, substantif verbal dérivant de BEHATU.
  Cf. l'hapax homérique (Od. 20, 23) πεῖσα (peĩsa) “obéissance”, sans doute de *πειθυᾰ (peithuă), P. CHANTRAINE, Formation, 100 et 435 : datif πείσῃ (peisēi) “confiance, calme”.
Racine /*bheidh-/*bhidh-to/, à comparer au bsq. commun BEITU, BITTU ! “attention !” de BEHATU.
  Plusieurs formes grecques et latines interfèrent formellement et sémantiquement avec ces formes basques :
Gr. πειθομαι (peithomai) forme passive, πειθο- recouvre BEITU, sorte de participe passé ; l'auxiliaire donnera la diathèse : avec être médio-passif, avec avoir actif ; πειθομαι est médio-passif (/αι/ est une forme d'infinitif de être : ειναι (einai) bsq. IZ-AI-TEN) “être persuadé” d'où “avoir confiance, obéir”. Ceci se dit en bsq. BEHATU(A) NAIZ “je suis écouté et je suis l'ayant écouté”. L'actif gr. πείθω (peithō), cette finale /oo/ dont le premier /o/ est voyelle de thématisation, le deuxième /o/ est désinence de 1ère personne, se fait comprendre au locuteur basque comme /BEITU/ + /O/ = auxiliaire avoir /U/ + désinence de 1ère personne “j'ai l'écouté = je l'ai persuadé”. On a même gr. πιθεῖν (pĩthein) “persuader” à radical réduit comme bsq. BITU, aoriste πεῖσαι (peĩsai) et bsq. BEHATZE.
Lat. fidēre “avoir confiance à”. Des graphies avec /ei/ feido, difeidens dans des inscriptions datent d'une époque où /ei/ et /i/ étaient confondus, M. 232-233, comme bsq. EITE et dialectal ITE (BN) “apparence, ressemblance”, ou gr. εἶδος (eĩdos) “aspect, forme” (cf. fr. idole, identité), εἰδάλιμος (eidálimos) “de belle apparence” (bsq. EIJER/EDER), v.h.a. wīsa, bsq. GISA “manière” de fr. guise ? MEILLET, 234, donne la racine /*bheidh-/ “se fier, persuader”, ajoutant « mais c'est une pure hypothèse. » Pour Chtr. 317 « /*weid-/ exprime l'idée de voir, cf. sous ἰδεῖν (ideĩn) “voir”, et au parfait celle de “savoir”, cf. οἶδα (oĩda), à quoi se rattachent εἴδομαι (eidomai) “apparaître, sembler, ressembler, se donner l'apparence de”, εἰδήμων (eidḗmon), εἰδυλις (eidulis), etc. » Charles de LAMBERTERIE explore aussi (1391), partant du participe (ϝ)ειςάμενος (eϝeizámenos) vers un radical (ϝ)ίσ(ϝ)ος (eϝísϝos) de (ϝ)ις(ϝ)ος (ϝísϝos) “égal” (?), « [la] racine est donc à poser i.-e. /*h1weid/. » Il n'y a que BEHA-TU/BEITU qui comporte le signifiant /okw-/, certes occulté si l'on ne remonte pas à BEGIRATU, sans aucune sorte de reconstruction.
Gr. *δοκάω, δοκευω, δοκέω (dokáō, dokeuō, dokéō). *Δοκάω (dokáō) n'est attesté qu'avec préverbe προσδοκαω (prosdokaō) “attendre” avec crainte ou espoir, “s'attendre que”. Δοκέω (dokéō) est la forme la plus importante (Hom., ion.-att.) “admettre que, penser, prétendre, etc.”, à l'impersonnel δοκει μοι (dokei moi) “il me semble, je crois que, etc.” ; δόγμα (dógma) “opinion, décision, doctrine”.
  À la base de ces formations apparaît clairement la racine /*okw-/ “œil”, le /δ/ initial reste à
interpréter : la trace d'un /*dwis/, lat. bis, bsq. /BE/BI/ “deux” ?
Lat. doceo, -ēre, /ā/ē/ “faire voir/bsq. ERAKUS”, “faire apprendre, enseigner” en particulier, “faire répéter” une pièce, docēre fabulam = gr. διδάσκω (didáskō) construit avec deux accusatifs, mais en bsq. un accusatif (non marqué) et datif (marqué) : “faire voir quelque chose à quelqu'un” ERA-KUS (dialectal EAKUS, /EA/ diphtongué, /ē/ lat., /ā/ skr.).
Lat. decet “il convient” ; decus, -oris “bienséance, décence, dignité” ; dignus, doctus.. Cf. bsq. moderne (I)KUSGARRImirabilis”, “spectacle”, “cadeau”, etc.
Gr. δέχομαι (dékhomai) et δέκομαι (dékomai), l'aspiration est homérique et attique “attendre” (Hom.), “accueillir” une personne, “recevoir” une chose. Le doublet δέχνυμαι (dékhnumai) “id.”.
Bsq. EDUKI : groupe comprenant trois types de sens :
au jeu de carte “claveter” une annonce, une enchère de l'adversaire qui ne se révèlera gagnée ou perdue qu'à la fin du tour (jeu de Mus). Sens étendu ensuite aux défis sociaux, politiques, économiques... aux paris en général : geste glosé parfois “c'est après la foire qu'on balaie les bouses”. Donc sens de “fermer”, “clore”.
EDUKI, IDUKI, EUKI “tenir, détenir, conserver” dans l'attente de, “posséder”.
IDEKI/IDOKI/IRADOKI “dévoiler”, “ouvrir et faire voir”.
E. BENVÉNISTE, Origines, Esquisse d'une théorie de la racine, 156 : « une autre racine illusoire est /*dek-/ “recevoir, accueillir”, gr. δέκ-ομαι [dék-omai], lat. dec-et ; il s'agit de II /*əd-ék/, donc I /*əéd-k-/ attesté par avest. adka-, skr. átka- “manteau, armure” et confirmé par hitt. ḫatk “enfermer, recouvrir” ; le sens propre est donc “enfermer”, puis “contenir, recevoir”. La racine sera /*ə2éd-/ ou /*ə3éd-/. »

  À notre modeste niveau nous pensons que dans les formes bsq. correspondantes, le sens premier est “attendre de voir”, “voir comment les choses se présenteront”, bref l'idée générale de “prospective, perspective” ; les sens secondaires : “tenir, conserver”, “boucler un engagement” ; et les sens de manteau, d'armure, etc..., renvoient, croyons-nous à l'idée de lat. decet, decus “être présentable au regard, à la vue”, “conforme à la décence ou aux exigences du spectacle (armure)”.

  Pour ce qui est du basque, il peut y avoir un risque de contamination entre /EDUK-/ “conserver”, /IDOK-/ “ouvrir, extraire”, /IRADOK-/ “révèler, faire dire” et /UKAN/ “avoir, posséder, détenir”, probablement de /*UK-/ “main” UKAN “en main”? Cf. fr. maintenir ; pour le sens de /*UK-/, cf. UKARAI UK-GARAI “à l'amont de /UK/ = poignet”, UK-ONDO “coude”, UKA-TU “dénégation”, UKI “toucher”, UK-ALDI “coup” asséné ou reçu, UKA-BIL “poing”.

Lat. vidēo, -ēre “voir, percevoir par la vue” et vīso, ere “chercher à voir, aller voir, visiter, examiner”, de la racine /*weid-/, M. 734 : « Le parfait de /*weid-/, qui exprime un résultat acquis [c'est déjà le sens de BEITU/BEHATU], a le sens de “savoir” ; skr. veda “je sais”, gr. (ϝ)οῖδα (ϝoĩda), arm. gitem, got. wait, v. isl. vědě [...]. L'adjectif en /*-to/ a ce même sens : skr. vittaḥ “connu” [BEITU-A], gr. (ϝ)ιστος (aϝistos) “inconnu”, got. un-wiss “inconnu” [...]. Les noms d'action et d'agent ont cette même valeur, ainsi que gr. νη(ϝ)ίς (nēϝis) “qui ne sait pas”, ἴδμων (idmōn) “qui sait”, (ϝ)ίστωρ (ϝistōr) “témoin, qui sait, etc.”. » M. 734 : « sur /*weid-/ , il a été fait , d'autre part, un perfectum de type archaïque : uīdī [...], sur ce perfectum a été fait l'adjectif en /*-to/, vīsus [...] uīsus a donné naissance aux substantifs rattachés à la conjugaison : uīsus, uīsiō [...] le lat. n'a pas de correspondant de gr. (ϝ)ειδος (ϝeidos) “aspect”, forme skr. védaḥ (sl. vidǔ, lit. véidas “aspect”) ; il n'est pas sûr que le mot soit indo-européen commun... » Cf. avest. viddhi “prends connaissance de”/bsq. BEHA HADI “id.”.
  Bsq. IDURI ( EIDURI, cf. EIDER), IRUDI est une métathèse de IDURI “apparence, ressemblance, aspect, image”, procède de la même racine que tout ce qui précède.
  C'est le suffixe /-RI/ qui est curieux : 
soit flexion archaïque d'une forme verbale : /-ARI/ “être”, qui a la fin d'un radical verbal, lui confère une valeur d'imminence proche (EGITEAR DA “c'est sur le point de se faire”, EIDUR “à apparaître”, BARUR “à jeun = à dévorer”), soit désinence de datif “tronqué” /*EIDU-ARI, prospectif infinitif.
soit un emprunt au latin de formation sans doute analogue : videor “être vu, sembler, paraître” ; lat. uidētur “il semble” et l'impersonnel bsq. IDURI DU “il semble”, si on évoque le paler du Roncal : IDURI DUR... ? S'agit-il d'une contamination aussi (très) poussée du latin ou bien une flexion archaïque de /DU/ “il a” ressemblance, aspect de, suivi du génitif ou du cas non marqué : “il semble (être) untel”.

  Le latin *speciō, spexī, specere et sa vaste famille interpelle la langue basque du fait de son champ sémantique “apercevoir, regarder” et de sa forme-radical /spec-/ : bsq. BEGI “œil”, BEKAIN ( BEGI GAIN) “sourcil”, BEGITARTE ( BEGI(T) ARTE) “visage”, et particulièrement les formes
AURPEGI (de /AUR-/ = “avant, devant” et /BEGI/ “œil”) “face, visage” = gr. πρόσωπον (prósōpon) “visage, devant, façade” et “expression du visage, contenance”,
et SUPEGI “profil du visage, chanfrein des animaux (béliers Manech)”, absent chez Azk. et Lh., dont le préfixe /SU-/ est difficile à interpréter. Si ces formes ont un lien avec lat. /spec-/, il serait intéressant de déterminer le /s/ initial du latin : est-ce un parasite provenant de auSpex ( avis-*pec = “observation (du vol) des oiseaux”) ? Que l'on retrouve dans les autres formes de même structure : haruspex, extispex, extispricum, īnspex, prospex et même uestispica qui sont probablement (M. 640) des réfections sur /ex/in/pro/, ect. Ainsi les formes sanskrites sans /s/ initial iraient dans le sens de cette hypothèse : páȩyami “je vois”, et arménien tesi “j'ai vu”, présent tesanem “je vois”. En albanais, pasě sert d'aoriste à SOH “je vois” à rapprocher de bsq. SO “regard, regarder”.

  MEILLET 640 : « la notion de “voir” est l'une de celles où il existe des procédés supplétifs. » Les formes bsq. SUPEGI ou SOPEGI “profil du visage” et SOHEGI “prudence” sont des composés : /SO/ “regard” + /BEGI/ “œil” pour la première ; /SO/ “regard” + /HEGI/ (?) “bord”, le sens en serait approximativement “circonspection”. Ceci expliquerait-il le /s/ de lat. /spec-/ ? S'agit-il de trace d'un préfixe ou premier élément de composition ? Cf. pehlvi (de Turfan) ʽispās “considération”. Les formes grecques sont à métathèse : de /spec'/ en /*skep/ : σκέπτομαι (sképtomai). Il semble difficile d'écarter bsq. BEGI “œil” de cet ensemble.
  Voir BEGIRA(T), BEHATU, BEHATI, BEIRAN, BERANDU.
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