LAP(H)UR/LAPUR voleur, pirate ; toponyme
LAP(H)URDI labourd, alias Pays de pirates
; ITXAS-LAP(H)UR pirate marin. Les deux termes
LAP(H)UR et LAP(H)AR sont formellement proches
et recouvrent l'idée générale d'accrocher
: poix, cire, tique, ronce, vol. Les deux sont composés des deux
mêmes élèments :
1º /LAPA/
coller, (s)'accrocher, voir ce mot.
2º /*HUR/*HAR/ prendre, saisir, recevoir.
Synonyme ESKURA-TU (de /ESKU-/ main) mettre
en (ses) mains, s'approprier. AHUR creux de la main,
poing, traverse du rateau. Voir
HAR-/HARTU
LAP(H)UR signifie accrocher, saisir,
un intensif donc apparemment.
Correspondances possibles : gr. λῶπος
(lōpos) “voleur, filou”, lat. fur
voleur, secret, clandestin, cf. fr. furtif,
furet ; Fūrātrīnus
: surnom de Mercure ?, dieu des voleurs et du commerce ; gr. φώρ
(phṓr) voleur. Pour Chtr. 1238, φώρ
(phṓr) est un « nom-racine archaïque, [de] degré
/o/ de la racine /*bher-/,
donc /*bhōr/ », Chtr.,
Formation, 2, etc., [ER(H)OAN/IRUAN porter,
emporter]. Ne signifie pas, comme le souligne GERMET «
celui qui emporte » mais « celui qui porte sur lui (l'objet
volé), ce qui indique sa culpabilité ». Cet aspect
pourrait se révéler correspondre à la redondance
de bsq. accrocher-saisir que signifie LAP(H)UR
et l'expliquer : pris à voler ? Les formes /LAP/
et /HUR/ sont agglutinées sans flexion et sont les deux
des noms-verbes racines. CHANTRAINE précise que lat. fur
estimé (par A. MEILLET) emprunt au grec φώρ
(phṓr) par l'intermédiaire de l'Étrusque, ne
l'est pas d'après GERMET. « Ailleurs, on trouve seulement
à comparer, avec un sémantisme
différent, l'arm. buṙn
main, poing, force, etc. ».
Pour ce qui est des noms-racines et des noms-verbes, P. CHANTRAINE,
dans La formation des noms en grec ancien, p. 1 et 2, dit :
« L'indo-européen a possédé des noms formés
de la racine seule sans suffixe. Le grec les a éliminés
au profit des formations dérivées dont la structure apparaissait
plus claire, la flexion
plus facile. On en observe pourtant quelques débris [...] (en
note) une partie de ces noms possèdent une étymologie
évidente, d'autres sont obscurs » :
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πούς,
ποδός |
(poús, podós) pied
πυδαρίζω
(pudarízō) ruer. « Étymologie obscure
» (Chtr. 951) et cependant bsq. PUTAR (Azk. 185) «
coces de ganado caballar e asnal : ruades de bêtes
chevalines et asines ». |
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ἄλς |
(ϝ/sáls)
sel, lat. sāl,
lett. sāls et bsq. GATZ
(
IZATS mer = eau-sel soit eau salée,
mais les termes ne sont pas fléchis) ; Chtr. 65 : gr. ἄλς
« désigne aussi en poésie la mer comme étendue
salée ». Bsq. GATZ (de /GATZ/KARTZ/)
est sans doute un composé, et -donc- ἄλς
(ϝ/sáls) aussi. Voir GATZ. |
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κῆρ
κῆρι |
(kēr, kēri) cœur
; ancien thème en /d/
mais il ne reste trace du /d/
en grec que dans le dérivé καρδία
(kardía) (Chtr. Formation p. 1). Lat. cor,
cordis cœur,
M. 142 : « le nom du cœur [...] le même dans toutes
les langues i.-e. [...] Il est probable que le nom. acc. était
de la forme /*k'erd/, conservée
dans hitt. ker/kardi
[...] les autres cas reposaient sur /k’r̥d/,
cf. lat. cordis, corde
[...] le nominatif accusatif
pouvait être élargi
par /i/, d'où arm. sirt,
de /*k'erdi/ instr. srtiw.
[...] V. irl. cride, gall. craidd
; Hom. κραδίη
(kradiē) [...] v. sl. srŭdĭce
(à côté du dérivé srĕda,
de /*k'erdā/ milieu)
». Bsq. /ERDI/, dans les composés
/HERDI/ (GAUHERDI minuit) :
1º milieu, d'où
2º moitié : ERDIBITU
fendre par le milieu, fendre en deux.
Couramment confusion même chez les auteurs de dictionnaires
avec /ERDI/ porter, mettre au monde
ER(H)OAN porter, lat. ferre,
etc.
Bsq. ERDIETSI atteindre le but, terme peut-être
d'origine religieuse : le centre-but semblant signifier
Celui-qui-n'a-pas-de-nom ; cf. Svastika
et ses interprétations (Dom. M. ETCHEHANDY o.b.s.). |
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πῦρ,
πυρός |
(pũr, purós) feu
et bsq. MUR-/MURRA braise, BERO chaud. |
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(ϝ)ις |
(ϝis) force, nerf glosé
(Hsch.) γίς (gís)
et bsq. GIZ- homme;
ἰσχυς
(ϝiskhus) force physique et bsq. AZK-AR fort
(/AR/ mâle ?), lat. uis
force, pluriel uires
parties sexuelles mâles. |
Ces mots et bien d'autres doivent remonter à l'indo-européen
et ne sont manifestement pas issus du seul laboratoire grec. Leur présence
dans le basque est difficilement attribuable à l'emprunt. Du reste
dans le registre LAP(H)UR
gr. φόρ (phṓr)
lat. fur
gr. λάφῡρα
(láphūra), tardif, dépouilles de l'ennemi, butin,
λαφυρέω
(laphuréō) piller. Chtr. 623 : « suffixe /-υρος/
[-uros] (!) ajouté à un radical /λαφ-/
[laph-] que l'on retrouve, d'une part, dans εἴληφα
[eilēpha] de λαμϐάνω
[lambánō] prendre, de l'autre dans le composé
sigmatique ἀμφι·λαφής
[amphi·laphḗs] qui s'étend, vaste [...] On
pose /*labh-/ et on rapproche skr.
lábhate saisir, et quelques
appellatifs baltiques, par exemple lit. lōbis
trèsor, richesse (de l'i.-e. /*labh-/),
etc. »
Cf. bsq. LAP(H)UR-LISTER, Azk. : 1º p.
526 « ladronzuelo, ratero », larron, chapardeur,
luron ; 2º p. 549 « inclinación »,
inclination.
LISTER/LIXAR filou, mauvais sujet, Lh. 682 bâtard,
plante adventice.
LISTERKERIA, Lh. 652 s/LAPUR réunion de voleurs.
À ces formes basques répondent :
Gr. λῃστήρ
(lēistḗr) brigand notamment pirates.
Gr. λῃστειρα
(lēisteira) de brigand dit notamment de vaisseau.
Gr. λῃστήριον
(lēistḗrion) bande de brigands, bateau de brigands, repaire
de brigands.
Gr. ληϊστος
(lēīstos) que l'on peut enlever.
Gr. λεία
(leía) de *ληΐᾱ
(lēiā), dor. λᾴα
(láia) butin, mycén. rawijaja
des captives, ληΐᾱς
(lēías)
captive.
« Pas d'étymologie. » Chtr.
626.
Cf. bsq. LEIA, Azk. 538 : 1º désir,
anxiété, envie, affection ; 2º hâte
; 3º envie, essai, désir ardent. Dérivé
de LEHI/LEI vouloir, variante de NAHI,
cf. gr. λω̄ (lō),
λῃ̄ς (lēis),
λῃ (lēi), de /*wlē/*wleə1
/ tourner
lat. uelle vouloir, gr.
(ϝ)έλδομαι
(ϝéldomai) désirer, souhaiter.
L'acception Nº 2 de AZKUE pour LAP(H)UR-LISTER,
« inclinación », inclination, nous
confirme dans l'idée que bsq. LISTER et LISTERKOR facile
à entraîner, LISTERRERI filouterie,
LISTERTU s'attacher à une personne ou à quelque
chose, LISTERTASUN propention à, inclination à
signifient approximativement convoitise, convoiter, désirer,
etc. Et renvoient bien à LEHI/LEI désir,
volonté, suffixé en /-TER/ à valeur d'agent/d'instrument.
Ainsi l'énigme de Chtr. 626 : « pas d'étymologie »
pour λῃστήερ
(lēistḗr) trouve solution, nous semble-t-il,
λω̄ (lō), infinitif
λη̄ν (lēn)
vouloir. Du coup la racine i.-e. posée
par Chtr. 623 /*labh-/ (s/λαμϐανω
(lambanō) prendre), déduite de skr. labhate
saisir, lit. lōbis
trèsor, pourrait s'interpréter comme un composé
de deux formes verbales : λω̄,
λῃ (lō, lēi) désirer
et ἔφῦν (éphũn)
/*bhũ-/
croître, devenir, devoir, lat. fuī,
angl. to be, all. beo,
etc., soit approximativement à désirer, convoiter ?.
Certes la construction (théorique) peut paraître téméraire,
mais il n'est que de se rappeler les maquillages qui masquent aux yeux des
analystes les éléments contenus dans bsq. LIZ/LITZ
s'il était, LIZATE il serait, LEIO
(LEGIO) lui ferait, qui contiennent tous le verbe impersonnel
LEHI/LEI (cf. angl. will,
shall), d'une part, et les formations comme
BIZAR barbe
/BI/ devoir + /ZAR/ (TZARRASTU) gratter,
BEHOR jument, surnommée parfois la porteuse,
qui procède de /BE/ devoir et /HOR/ (φορειν
[phorein] porter), lat. forda
pleine. Cf. BEGO, BIHOA, BEDI, BERRA
qu'il parle (Axular), etc. Voilà quelle pourrait être
la base de bsq. LAPA saisir, accrocher, bsq. LAP(H)UR,
gr. λαμϐάνω,
λάφῦρα
(lambánō, láphũra), et même mycén.
rawijajā captives,
lat. lubet, impersonnel,
mihi libet j'ai envie de
il y a désir à moi de, lubīdō/libīdō
désir, envie, osque loufir
uel (différent de
osque loufir liber
= bsq. ILER/ILHER
d'une autre racine, bsq. /LER-/LEIR-/ couler,
cf. LERA, LEIZE, LERINDE...).
Bsq. LAP(H)UR/LISTER est donc probablement une
hyper-redondance comportant deux fois l'auxiliaire LEHI/LEI
désirer, convoiter. |