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DOHAIN(A) : 1º “grâce, faveur” ; 2º “dons naturels, qualités” ; 3º “don, présent” ; 4º, adverbe, “gratuitement” ; 5º “chance” heureuse ou malheureuse.
  Radical /*DO-/ ou /*DHO-/ ?? Cf. DOHA-TU “doué”, DOHA “grâce” ; mais en finale /-IN/-EN/ ? Cf. skr. dāvane, chypr. δοϝέναι (doϝénai), gr. δου̃ναι (doũnai). Bvn., Origines, Chap. VIII, Quelques formes d’infinitifs grecs et védiques, 121 : « /*-en/ dénote le “cas infini” qui syntaxiquement peut recouvrir à l’occasion le locatif historique mais qui assume également le rôle de plusieurs autres cas ».
  Le suffixe /*-ai/ des infinitifs grecs et védiques interprété comme désinence casuelle de datif, alors que le datif a une désinence /*-ei/ ou /*-i/ dans « tout ce que nous possédons de datifs dans les dialectes qui conservent les timbres vocaliques » Bvn., 130. Le /*-ai/ d’infinitif serait « un élément mobile et indépendant [...] déjà M. Meillet a formulé discrètement l’avis que /αι/ [ai] pourrait être une particule (BSL., XXXII, p. 192-3) » [...] « l’infinitif védique en –tavai du type étavȧi (avec double accent) –analyse de Thurneysen- : c’est une juxtaposition de –tave et de la particule /–vȧi/, en sorte que étavȧi repose sur *a̍itavai vǡi. [...] /-vȧi/ contient /u/ + une particule /*-ai/, et, dans la séquence –tavǡi u, nous voyons un redoublement de /u/ [...] postposition dégagée en indien et qui justement s’accroche à une forme d’infinitif, comme gr. /αι/ [ai] […] Le lit. contient une postposition /-/ qui appuie le nominatif singulier pronominal tasaī, tataī, sĭsaī, toksaī, etc. Le correspondant de cet /-/ se trouve dans la particule /-a/ (/*-/) des anaphoriques arméniens /sa/, /da/, /na/ *so-ay, *do-ay, *no-ay (Meillet, Esquisse, p. 62, § 56). On ne saurait dire s’il faut aussi y joindre la particule optative grecque /αι/ [ai] (généralement αἴ γάρ [aí gár], αἴ γάρ οή [aí gár oḗ]. [...] Cet élément aura servi (en véd., lit., arm.) à renforcer soit des pronoms, avec valeur indicative, soit des infinitifs avec valeur exhortative. »

En euskera :

1º Le radical nu d’une forme qui peut donner aussi bien un verbe qu’un nom correspond à l’impératif impersonnel : JAN = “manger” et “mange”, “mangeons”, “mangez” ; avec l’article défini postposé, JAN-A substantif, “le manger”
2º Ce radical nu est appuyé souvent, dans la langue familière et dans l’emphase oratoire ou ironisante, par /BAI/ en postposition ou /BADA/, que le bascophone traduira en français par un “oui” postposé, /BAI/ signifiant aussi l’affirmation, mais ici en contexte : exemple : ETXIA JAN ? = “manger la baraque ?” = “(il a, tu as, ils ont) bouffé la baraque ?” - et suit la précision : EDAN BAI ! = “boire oui !” parce que la cause de la ruine fut le boire (Aezkoa). Ou bien (Saint Palais, 1980) : « MEZAN EZ KEXATZEKO, ZIEN FRANTSESKERIEKIN, NAHIOO DIAT PEILORADEAT JUAN BAKIAN EGOITEKO MEZAN : “Pour ne pas râler pendant la messe (à cause) de vos franchouillarderies, je préfère aller à Peyrehorade pour demeurer placide durant la messe”. » Réponse de l’ami prêtre (M. Garat): «TA JUAN BAA !! : “et y aller alors !!” (= “ vas donc !!”). »
3º Un style de communication qui peut se qualifier de “fuyant” consiste à ne pas fléchir les verbes (refus des auxiliaires, des désinences personnelles, etc...), évoquant le parler “pidgin”, et fréquent chez certaines personnes ou dans certains contextes où le locuteur veut suggérer sans s’engager vraiment et recourt aux radicaux nus ... le ou les partenaires pourront “compléter” la grammaire. Ce style “impressionniste”, très facile en euskera tout en étant orthodoxe, a pu être la forme archaïque des langues i.-e.
  Cf ci-dessus thèse : l’augment et les temps du passé, les désinences secondaires en basque.
BENVENISTE, Origines, 133 : « Nous rattachons donc ce développement (infinitif en fonction d’impératif, avec double utilisation nominale et verbale) à la nature indécisive de la forme radicale, qui pouvait fournir un nom ( infinitif) ou exprimer comme impératif l’idée verbale. Il ne sera pas téméraire de chercher dans cette dualité ancienne l’explication du thème mystérieux sur lequel se concrétisent le futur et l’imparfait en /b/ de l’italique. Selon toute vraisemblance, le futur latin et irlandais en /b/ est antérieur à l’imparfait italique en –bam, de même que le futur en /-ē/-/ des troisième et quatrième conjugaisons (agēs, capiēs) ont servi de modèle aux imparfaits correspondants agēbam, capiēbam (Stolz-Leuman, Lat. Gramm § 238 a). »
4º Bvn., 135 et sq., traitant du gérondif latin *-ndo, se pose la question pour les formes comme secundus, oriundus, rotundus « d’où sont venus l’emploi de participe passif et la notion de futur ou d’obligation ? Quel est le rapport entre ce participe et le gérondif, qui fournit simplement une flexion à l’infinitif ? »
  Considérant la définition de BREAL sur l’adjectif verbal en –ndus imprécise, BENVENISTE, 136, ajoute à la notion “d’idée d’action active ou passive” « nous dirons que le rôle de l’adjectif en –ndus est à faire passer sur son antécédent le concept verbal comme tel : il indique qu’un substantif est l’objet ou le siège du procès » (nous soulignons) [...] « Opus perficiendum signifie “un travail où intevient, où est appliqué la notion d’achèvement” : un travail “à achever” » De même pour historia legenda, ius jurandum, Carthago delenda, dare utenda, oppidum diripiendum militibus : “ville livrée au pillage des soldats”, etc. Et de préciser p. 137 « [...] Cette mise en relief des procès même par un adjectif rendait facile et pour ainsi dire fatal le développement de la notion de futur, d’intention ou d’obligation. »
  Il nous semble difficile de mieux analyser les morphèmes de futur de l’euskera en /-EN/ et /-KO/, tous deux désinences de génitif, respectivement de “possession” et “provenance-destination”, qui accolés au nom verbal expriment la notion “à réaliser” correspondant au to anglo-saxon ou au latin quoa-ndo = bsq. NOIZ-KO “pour quand ?”. Bvn., 137 : « un nom verbal “le manger” aura un adjectif signifiant proprement “relatif, exposé, voué au fait de manger” ; edendus, selon le cas, signifiera “qui sera mangé, qui doit l’être, qui est propre à l’être”. Le contexte précise en chaque circonstance la modalité du sens. » Bsq. JATE(N)-KO ou JA(N)TE-KO = lat. edendus :
La nasale interne s’amuït normalement parce que la forme est perçue substantivée (cf. A. MARTINET, Des steppes à l’océan : la procédure de substantivation par une dentale) ;
Mais la forme souletine d’expressivité appuyée : JA(N)TE-KO = lat. edendus, le radicaly est senti verbal.
  Cf. bsq. JATE(N)-KO-AK “fournée” de pain, litt. “(ce qui est) pour manger” (Estérençuby), GIZENTZEN-KO-AK “(animaux) à engraisser”, PIKO-KO “(animal) pour l’abattoir”, etc. On trouve même les deux morphèmes à la fois (S) sur le même radical verbal pour appuyer plus fort l’assurance de la réalisation du procès : JIN-EN-GO, ET(H)ORRI-R-EN-KO DA = “il est (vraiment) à venir” = “il viendra !”.

  Un autre morphème dont les sens semblent à double versant, futur et nom d’agent “voué à” ou “responsable du procès” contenu dans le radical verbal est /-TAR/-TEAR/-TER/, cf. BEAR/BE(H)AR, et /-TAR/-TAR-I/ dont nous faisons dériver, hypothétiquement, les infinitifs latins, et supposé venir de /*AR-/ “être à” et les formes passives en /-r/ du latin. Comme le /b/ latin et celte de la racine /*bhu-/ “être à” -bundus, etc. Voir bsq. BE(H)AR et lat. fore.


Étymologie possible de DOHAIN et infinitifs bsq. en /-N/
  Formellement, l’emprunt au latin semble exclu : lat. dōnum “don”, dătiō “fait de donner”. MEILLET, 178 :
« L’époque archaïque a conservé quelques formes aberrantes : une troisième personne pluriel du présent de l’indicatif élargi avec un suffixe –ne/-no : danunt ». La nasale serait donc ancienne et Bvn., Origines, 124 s’appuie sur chypr. δοϝέναι (doϝénai), gr. δου̃ναι (doũnai) = skr. dāvane pour dégager un *-εν (-en) dénotant le « cas indéfini » ; ajoutons lit. dovana et davana “don”, qui selon M. 180 « ont le même /w/ » que les formes archaïques duam, duim (subjonctif) pour lesquelles « il faut supposer que la racine /*/ a admis, au moins dialectalement [?], un élargissement en /w/. L’ombrien a pur-douitu..., le falisque douiad “*duat”. »

  La forme bsq. DOHAIN dériverait de /*DO-U-AEN/ ou /*DO-W-EN de /*DO-W/ + /-EN/, désinence de génitif et morphème de futur = “destiné à...”, “voué à...”, “pour...”. Bsq. /*DO/ i.-e. /*deə3-/. Mais MEILLET, CHANTRAINE et les autres semblent hésiter sur le sens originel précis de /*deə3-/ “donner” et /*dhē-/, /*dho-/ “poser”, gr. ἔθηκα (éthēka), arm. ed “il a posé”. On pense que les deux racines ont donné des croisements... De plus, il y a deux types d’élargissement sur la racine, /t/ et /r/ : gr., adjectif, δοτός (dotós), nom d’agent, δώτης (dṓtēs) “celui qui donne”, et d’autre part, δῶρόν (do͂rón) “cadeau”, δωρεάν (dōreán) “gratuitement” bsq. DOHAN “id.”. Ces suffixes font penser à gr. /θ/ (th) lat. –tus de procès accompli, bsq. /–TU/ (de /DU/ ? “avoir”) et aux finales en /*-R/*-AR/ “être” de destination.
  Lat. dătiō évoque très fort bsq. ZATI “diviser, partager”, (chtr. 246) gr. δαίομαι (daíomai) “partager, diviser”, δατέομαι (datéomai) “(se) partager, répartir” et δαίμον (daímon) “puissance qui attribua, divinité, destin”, δαίτος (daítos) “banquet” bsq. JAI “fête”, lat. edō, gr. ἔδω (edō) “manger”, germ. itan bsq. JATEN JAI lat. gaudeō, gr. γᾱϝ-εθ-εω (gāϝ-eth-e ō) “se réjouir”.

  On sait l’importance de l’échange alimentaire et érotique dans l’histoire de la socialisation humaine, même aujourd’hui ; le noyau énergétique de la famille, société élémentaire, en est sustanté. Voir sémantique de bsq. ORGI “pain” /*OR-/ “avaler” lat. uorāre, skr. ūrjȧ “nourriture, vigueur” et le moderne orgie, gr. ὀργή (orgḗ) “passion”, θοίνη (thoínē) “repas” (offert ?). Une racine bsq. /*(D)JAT-/ i.-e. /*ed-/, mais aussi /*dhay-/ “nourrir” dans gr. θῆσθαι (thēsthai) “téter”, skr. dhīta “tété, sucé” bsq. DEITZ-I/JEITZ-I “traire” et (D)ITZAIN “sangsue”, etc., donnerait la base de DOHAIN, ainsi que les clés de gr. δοτός (dotós) et de lat. don-, got. itan bsq. JAT/JAN JA-KI “mets, plat”. Pour δῶρόν (do͂rón), cf. moderne bsq. JANAR-I /JAUR-/ ? On a gr. eἶδαρ (eĩdar) “nourriture” où apparaît le fameux élargissement /*-AR/ “être à”, soit ici “(le) pour manger” = “nourriture” et bsq. moderne JATE-KO, JATEAR et JANA-RI “id.”. On est tenté de penser que l’ensemble des verbes à finale /-n/ à l’infinitif ont la même structure : racine + /-EN/ «cas indéfini » de BENVENISTE : JIN, JOAN, (E)MAN, GAN, (E)GIN, (E)GON, JAN, EDAN, IZAN, UKAN, /-GUN/ (E-ZA-GUN) gr. γνόσκω (gnóskō), EHAIN gr. θείνω (theínō) “frapper à mort”, i.-e. /*ghwen-/ “frapper”, hitt. kuen-zi, avest. jain-ti, gr. φόν-ος (phó-nos) “meurtre”, etc...

  En définitive “donner” serait un concept lié au partage et à l’échange (donner, prendre-recevoir) de la nourriture, dont la racine serait du genre /*ed-/edō/, /*es-/ εσθίω (esthíō) HAZ-IASKARI, /*IET-/*JAT/JAN/; DITI ; ÑAKA-TU δακνω (daknō) “mordre” ; ZATI “partager”, δαίω (daíō), JAI, γηθεω (gētheō), gaudeō, etc., etc. : “la nourriture” = “un don”, “manger” = “fête, joie”. Voir DUIN, DUN, BEAR, BE(H)AR, JAN.
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