ZAT(H)I/ZAT(H)I-TU
Le radical dans la langue actuelle est fourni par l'impératif impersonnel ZAT(H)I ! (cf. GELDI, EGON, JAN, EMAN) sans désinence personnelle, suivant le mécanisme de l'i.-e. Mais l'analyse y met à l'évidence deux suffixes : /T/ (/θ/ (th) = /tu/) de procès abouti + /I/, très vieille désinence “primaire” = hic et nunc. Cf. A. MARTINET, Évolution des langues, page 93 : « les langues i.-e. les plus archaïques distinguent entre les désinences personnelles dites “primaires” et d'autres dites “secondaires”. En gros, les premières caractérisent le présent, les deuxièmes les différents passés [...] La distinction entre “primaires” et “secondaires” est assurée par l'addition d'un /i/ aux désinences secondaires pour former les “primaires”. C'est ce qu'illustrent les formes sanskrites a-bharat “il portait”, bharati “il porte” [...] Dans le cadre d'un examen structural, on est amené à conclure que le temps qui est historiquement celui du passé -sous sa forme durative, l'imparfait, de sa forme non durative, l'aoriste- était à l'origine une catégorie temporellement indifférenciée utilisable en référence à un fait passé, actuel ou à venir, et qu'il existait à côté de lui une forme permettant de replacer le fait dans l'instant et probablement le lieu même où avait lieu l'échange linguistique. Cette forme [...] s'obtenait en faisant suivre la forme verbale de l'élément déictique /i/, c'est-à-dire le timbre vocalique qu'on retrouve constamment dans l'expression de ce qui est présent, aux deux sens spatial [bsq. GARA-I] et temporel [bsq. ORA-I] du terme. » Ainsi la base de ZATI serait /ZA-/. Il doit s'agir d'un signifiant en rapport avec l'alimentation, la nourriture : JA-N de la langue actuelle, mais le /j/ d'aujourd'hui semble recouvrir, comme le gr. /ζ/, des sons plus complexes comme /dia/, /iu/, etc., anciens, et que l'étude comparative peut éclairer : cf. ÑAKATU/DNIAKATU “mordre” (le “gnac, niac” du gascon passé dans le français = mordant) est formé à partir de JAN “manger” ![]() le substantif da̍mśa“morsure” font poser un thème à nasale /*denk-/. Le thème /*dak-/dāk-/ (/*də2k-/deə2k-/) pourrait être soit une variante ancienne, soit plutôt une innovation du grec. »
E. BENVÉNISTE, Origines, page 109, chap. IX, Esquisse d'une théorie de la racine : « Prenons la racine “sucer, allaiter” : /*dhéə1 / = skr. dhā, gr. θῆ(σθαι) [the(sthai)], base des dérivés secondaires dhātrī, gr. θῆλυ(ς) [thēlu(s)], lat. fē-mina, etc. Avec /y/ (skr. dhāy-) augmenté de deux élargissements /t/o/ : /*dhəo-i-t-o/ ![]() Ainsi la racine de /ZA-T-I/JA-T/XA-T/ est quelque chose comme /*dha-/*dhay-/ suffixé /n/t/, etc. La prolificité du morphème et de sa sémiotique est bien compréhensible au vu de l'histoire et de la préhistoire de la famille humaine : la quête de la nourriture, son partage, le contrôle de ses sources a été et continue encore pour la majorité de l'espèce à être une préoccupation perpétuelle. Il n'est que de rappeler la place du repas dans le sacré, la timē royale... Cf. gr. δαίομαι (daíomai), δαίνυμι (daínumi), δαιζω (daizō) “partager, diviser” ; δαὶς,-τος (dais, -tos) “repas, banquet où chacun a sa part”, cf. δαὶς ἐίση (daís eísē) - Hom. Poètes, Hdt. - ; δαίνυμι (daínumi) “donner un banquet où chacun a sa part, une fête” (Hom. Hdt. trag.) ; bsq. JAI “fête” ; l'hapax gr. (l'EM 251, 47) δαιςάνη = πτιςάνη (daisánē = ptisánē) “tisane” ; skr. dáyate “partager, détruire”, dāti “couper”, diti- “répartition”, cf. bsq. ZATI. Cf. gr. δάπτω (dáptō) “dévorer” en parlant de bêtes fauves, d'animaux, du feu, d'une arme qui déchire, et emplois métaphoriques (poètes) : parmi les dérivés issus de ce verbe :
Cf. gr. δατέομαι (datéomai) “se partager, partager, répartir”, dit surtout du butin, de viandes, de biens (Hom. Hdt.). P. CHANTRAINE 254: « pas de rapprochement sûr hors du grec, mais nous avons un des représentants d'une racine /*dā-/də2-/ de δη̄-μος [dē-mos], δᾱμος [dāmos] “pays, territoire” dans le sens de circonscription, sens originel “partie, section”, “dême, commune”, “peuple”. » Cf. gr. δαιδαλλω (daidallō) “façonner avec art”, dénominatif de δαιδαλος (daidalos) “atisan façonneur, tailleur de bois”, cf. lat. dolō “tailler le bois, équarrir”. Les formes grecques intensives (M. 181) indiquent le sens de technique raffinée. Cf. bsq. DAILU, réputé emprunt latin. Chtr. 246 : « On peut évoquer une racine /*del-/ que l'on a pensé retrouver dans δελτος [deltos] “tablette pour écrire”, avec dissimilation de δαλ- en δαν-, etc. MEILLET, pour sa part, évoque lit. dalis “part” (d'où dalýti “partager”), et v. rus. dolĭ (même sens), v. prus. dellieis “partage”, dellyks “morceau” ; skr. dalam “morceau, part”, v. isl. telgia “couper, tailler”, lit. daȊgis “faux” . » Les suffixations en /l/ll/ rappellent la suffixation commune de la langue bsq. contemporaine /-le/ pour agent, auteur, instrument, cf. JALE “mangeur”, ZATILE “partageur”, JOLE “frappeur”, etc., i.-e. /-lo/. |
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