SUGE “serpent, reptile”
HEREN SUGE “dragon” interprété comme traduisant
le “serpent d’airain biblique” (?).
La forme SUGE (SUGARRASTA “serpent, reptile”
(G) Azk.) renvoie au lat. sugere “sucer”
et à la croyance, toujours actuelle dans certains parages du Pays
Basque, selon laquelle le serpent (couleuvre ?) viendrait la nuit sucer
les mamelles des nouvelles parturientes, entraînant le dépérissement
du nouveau né par inanition. L’animal malfaisant parviendrait
même, par le délice de sa succion, à être préféré
au nouveau né par la mère... Divers récits rapportent
les épisodes “véridiques” à l’appui
de cette croyance :
1- |
BEHIA LAXATUTA, ORRUAKA DARTEMALDARAT JUAITEN ZUXUN,
ETA SEGITUTA KUSI NIXIN SUGE BELTZ HANDI BAT BEHIAN IXTERRARI GORA
INGURUKA TITIRAT HELTZEN ETA ZURGA-ZURGA BATZEN “la vache détachée,
s’en allait mugissante à DARTEMALDA (lande proche de
la maison natale de l’auteur), et l’ayant suivie je vis
un grand serpent noir s’enroulant autour de la cuisse de la
vache atteindre la mamelle et s’allaiter à grandes gorgées
(ZURGA : augmentatif de XURGA)”. Conté vers 1950 par
un frère convers bénédictin de Belloc, Urt, originaire
de “MENTABERRIA” d’Aincille, propriétaire
d’une “BORDA” et maison à “DARTEMALDA”,
Estérençuby. |
2- |
HAURRA ERI, AHUL, ESKUTIK JOHAKI... IZAN ZITXUN AZTIAIN
IKUSTEN, ETA HUNEK ERRAN : “HAUTSA EZAR-AZIE GANBARA ZOLAN LODI
EREINIK”. HALA IN TA, BIHAMUNIAN SUGE HANDI BATEN HERRESTUA
HAUTSIAN OHERAINO… “l’enfant (était) malade,
faible, dépérissant … Ils s’en furent voir
le voyant qui leur dit : “répandez épais de la
cendre sur le plancher de la chambre”. Ainsi fait, au lendemain
la trace sur la cendre d’un grand serpent jusqu’au lit
(apparut)...” À la suite de quoi on plaça plusieurs
faux à lames acérées retournées face au
trou sous la porte... au lendemain on trouva les tronçons de
l’énorme serpent taillés au passage sur les lames.
Conté souvent au quartier natal de l’auteur. |
Ces légendes nous renvoient aux mythes associant la femme
et le dragon bénéfique (Apocalypse de Saint Jean) ou
maléfique (la Genèse de la Bible), au HEREN
SUGE de flammes, etc.
Étymologies probables (d’un intérêt exceptionnel)
: cf. lat. sangui-sūga “sangsue”,
bsq. ZURGA-TU “sucer”
lat. sugere “sucer”, mais
bsq. /(I)ZUR-/ZIR-/ “verser, couler”
+ /KA/ itératif
procès à efforts répétés, ZURRUSTA,
ZIRRISTA et gr. ῥέω
(ϝ/wréō) “couler”, de
i.-e. /*srew-/. Chtr. 971 : «
Il est certain que /*sr-ew-/ de ῥέω
[ϝ/wréō], skr. sravati
“couler” est un thème
II de /*ser-/ attesté dans
skr. sisarti, gr. ἕρπω
[ϝ/sérpō], etc. » La forme
basque semble avoir mieux conservé la forme de la racine que le latin.
SUGE semble être un adjectif verbal substantivé
pour éviter le nom (tabou) du serpent. Mythe très prégnant. |