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LINGAR/NINGAR “suintement”, “zone humide et glissante”, “bave (limace), trace colorée laissée par un liquide”. LIKIN “gluant”. Cf. lat. liquerē “être liquide”, liquāre “filtrer, liquéfier”, lixa “lessive”, bsq. LISKA “zone de marécage, mouillère”, LATSA “lessive”, lat. linquēre “abandonner”, bsq. LAGA-TU “abandonner”. Racine /LEG-/LAG-/ “laisser” de /UR/UL/ “eau” “couler, délier, libérer, laisser couler”.

1º) Si le premier terme est /*LIN/ à l'origine :
  La forme à /n/ initial /NIN-/ peut s'interpréter phonologiquement par les règles de l'implosion/explosion (F. de SAUSSURE, Cours, 79). En effet, à l'implosion (devant voyelle), /l/ et /n/ exigeant le même emplacement de la pointe de la langue (apical), il peut y avoir substitution de /n/l/ (liquide et donc réalisant une occlusion insuffisamment nette ?) : on a l'exemple dialectal (BN) de la locution ITEN-ĀL ( EGITEN AHAL “possible à faire”) qui glisse en ITELĀN avec métathèse, ainsi que LE(H)I “vouloir, désirer, se tourner vers” et qui coexiste avec NA(H)I “vouloir, désirer, etc....” Le /h/ est phonétique pour faire obstacle à la diphtongaison dans les dialectes orientaux et maintenir la quantité longue à /ē/ de /*LE̅Ï/, qui compense l'aphérèse de la sonante initiale, th. I /*wol-/. Cf. bsq. LEHEN, gr. πάλιν (pálin) et lat. ōlim “autrefois, l'en premier”. Et la comparaison l'atteste : gr. λῶ, λῇς, λῇ, λῶμες (lō, lēs, lēi, lōmes), inf. λῇν (lēin) -Théoc. 5,77- ; et crêtois subj. λῃ̄, λε̄ιο̄ντι, (lēi, lẽiõnti), opt. λε̄́οι (lḗoi) etc. “vouloir”. Base /*/ (th. I) de /*wleə1 /.
  Lat. uelle.
  Gr. λη̄μα (lēma) “volonté, résolution, courage” et même “arrogance”.
  Bsq. TEMA/LEMA “volonté, prétention, obstination”, dans Azk. “satisfaction” ? « EURON LEMARA : "a su satisfacción" . » Pour l'initiale, cf. LEKA/TEKA “gousse de légumineuses”, /*wo / el-/, lat. olēre “flairer”, olor “odeur”.
  Gr. λωῑ́ων (lōī́ōn) qui semble bien être un comparatif et dont le sens (perçu par les traducteurs) est “meilleur”, “plus favorable, plus agréable” chez Hom., à propos de la faveur des dieux. Chtr. 653, 654. Cf. bsq. LEHEN ( LEHIEN superlatif “le plus voulu”) “premier”, sens secondaire, LEIEN, donc, “le plus convoité, le plus désiré, etc”.
  La similitude du procédé grammatical saute aux yeux, cf. GARAIEN (GEIHEN) “aîné, le premier, le plus grand, ancien, etc” et gr. κρείων (kreíōn) “maître, souverain” employé surtout pour Agamémnom εὐρύ κρεíων (eurú kreíōn) « dont la puissance s'étend au loin . ».. Chtr. 580 [bsq. URRU-TI/-N “loin, au loin”].
  Comme dans le bsq. moderne on dit indifféremment UR-NINGAR et UR-LINGAR “suintement” on analysera ici NINGAR pour LINGAR.

a) /*LIN/ de LINGAR est sans doute une contraction de URIN (/UR/ “eau” et /IN/ de EGIN “(se) faire”) “devenir liquide”. Cf. LIZUN “marécage” et secondairement “lascif, impudique, licencieux”, etc..., LISKA “zone de marécage, mouillère”, etc..., LIN/LIMURRETA “moût qui s'écoule en débordant de la barrique en cours de fermentation”, BURRETA ( BEROTU “fermenter”), voir ce mot, LINBURTU “glisser, céder à la tentation”, etc.... Un grand nombre de termes liés à la notion de liquide, comportant le /l/ “nu” ou avec l'appui d'une occlusive : lat. flētŭs “pleur”, flūmĕn “fleuve”, pluĕre “pleuvoir”, lavĕre “laver, (se) baigner”, cloaca, etc., gr. πλέω (pléō) “naviguer”, skr. plávate “flotter”, etc.
  Une autre série a retenu le /u/ou/our/ dans toute l'aire i.-e., à la base de termes liés à la notion de liquidité. Gr. οὐρανός (ouranós) “celui qui donne la pluie, qui féconde”, “dieu céleste”, bsq. URTZI “dieu du ciel”, URTZEN “fondre”, skr. vársati “il pleut”, gr. ὔει (úei) “il pleut”, got. rign (est isolé, d'après M. 517 : angl. rain ?), bsq. EUR/URIN “pleuvoir”, irl. frass, gr. ϝερσα (ϝersa “pluie”, lit. pilti “verser”, arm. helum “je verse”, gr. πλῦνω (plūnō) “je lave”, v.h.a. fliozan “couler”, gr. οὐρέιν (w/houréin) “uriner”, skr. vār, vari “eau”.
  Gr. Οὐρανός (Ouranós) et URTZI sont des divinités mâles qui, par la pluie, fécondent la terre γαια (gaïa), lat. Māia, bsq. AMAIA, divinités mères. De là bsq. /AR/, gr. ἄρσην (ársán) lat. arsēn “mâle”, lat. uerrēs “verrat”, bsq. ARKALDU “copuler, saillir” ; ARKARA, HO(R)GARA, SUSARA, HEUSIARA “oestrus” ; UGALDU “(se) reproduire, (se) multiplier”.
  Bsq. UHAIN “vague”, rac. i.-e. /*weg-/ “mouvement” notamment de la mer, bsq. HIG-I “(se) mouvoir”, lat. vehēre “(se) déplacer en chariot”, fr. véhicule, etc.
b)

/*–GAR/ de NINGAR “larme” signifie “toute émission de voix forte : cri, hurlement, clameur”, etc. Cf. XARINGA (XAINGA), Estérençuby, “glapissement du renard”, XARANGA “son de cornemuse, de dulzaina, etc”, ZAUNKA/ZANKA, Ochagavía, “aboiement de gros chien, braiement du baudet”, ZINKA “cri de guerre, irrintzin”, ZANKARROTS, Soule, “cri de guerre”. C'est un composé plastique morphologiquement : KARRANKA “croassement, cri de gros oiseaux”, ZURRUNGA “ronflement”, etc. Mais les deux éléments se laissent distinguer dans le bsq. : /KAR/ZAR/ZUR/KUR/ (dans KURRINKA “cri de porc”, etc.) et /ANGA/, lat. anguis “long et étroit” qui entre dans la composition d'autres termes et y confère sa signification générale : LUZANGA “escogriffe, long et éflanqué”, PALANGA “barre à mine”, lat. palagga de gr. φάλαγγα (phálanga) “levier, rondin pour déplacer les vaisseaux”, M. 475 ; “phalanges des doigts”, Chtr. 1173 [qui propose une explication par /*bhol-ə2-g-/ de angl.-sax. balca, bealca “solive”]...
  Nous proposerons bsq. PAL(A)ANGA “piquet (lat. uallum “palissade, rempart”, uallus “pieu, échalas, palis” (F. GAFFIOT, 1645), gr. ἧλος (ϝ/hēlos) “clou, cheville” ) long et mince”, URANGA “rétrécissement du lit d'une rivière”, BESANGA “coude”, HATSANGA “essoufflement”, etc. Les formes contractées : ZINKURIN “pleurnicherie” de /ZIN(K)/ “cri” + /UR/ “eau” + /IN/ “faire” à mettre en face de angl. (to) sing “chanter” et song [bsq. ZAUNK(A)], de lat. canō “chanter”, IRRINZIN(K) “long cri rythmé de joie qui descend en éclat de rire”. On a GARIMA “hurlement de femme, d'enfant”, GARRASI “hurlement de détresse et d'appel”.
  Dans les divers dialectes i.-e. on retrouve le thème I de racine “pleine” : skr. usā-kal-a “le coq”, litt. “qui appelle l'aurore” qui en lat. devient gallus (ụsā, lat. /aus-/aur-/ “aurore” et /kal-/, gr. καλέιν (kaléin) “appeler”), la métaphore bsq. GOIZ-GALDARI pour le coq “qui appelle l'aurore” (de bsq. /GOIZ/ lat. aus l aur- et GALDARI “appelant” à suffixe d'agent) n'est pas morphologiquement loin du sanskrit. Le /d/ de GALDE “appel” est épenthétique, cf. GEL-DI, SAL-DU, AL-DI, GAL-DU, etc. Gall. gawl “appeler”, v. isl. kalla “appeler”, gr. κάλλαιον (kállaion) “crête de coq”, καλαϊς (kalaīs), vieux génitif d'appartenance “poule”, comme lat. gallina “poule”, génitif identique au génitif bsq. actuel, ombr. imper. kařetu, auquel répond bsq. imper. GALDETU/GALDATU, lat. calēre “appeler”, v.h.a. halōn “appeler, aller chercher”, hitt. kalleš “appeler”, gr. κη̄ρυξ (kērux), myc. datif singulier karuke “héraut”, bsq. HEROTS “renommée” (OIHENART XVIIème S.).
  Le thème II réduit de la racine, très rare dans la formation des mots en bsq., est pratiquement de règle en i.-e. Il semblerait que les formes pleines soient des archaïsmes dans les langues i.-e., tandis qu'elles sont systématiques en bsq., avec des exceptions cependant.
  Angl. to cry “pleurer”, fr. cri de lat. thème I quirites d'« étymologie obscure » M. 559, de quiritō “pleurer” (*), lat. clāmare “crier, clamer”, lat. gloria “renommée” à « étymologie inconnue » pour M. 277, lat. glunniō “roucouler” qui serait une “onomatopée”, comme glōciō “glousser” [bsq. (I) KOLOKA-] et comme grunniō “grogner, gronder” [bsq. (I) GARRUMA “grognement de fauve”], gr. κλέος (kléos) “bruit qui court”, “réputation, gloire”, κληηδων (klēēdōn) “présage, nouvelle”, κλείο (kleíō) “célébrer”, κλαίω (claíō) “pleurer, gémir bruyamment”, bas lat. clocca (II), d'origine celte, “cloche” [bsq. GARE, JOARE(I) et en compososition JAL-DUN, JUAL-ZAR...], gr. κλῆρος (klērōs) “tirage au sort” et des désignations secondaires, dont “ce qui est accordé par le sort : terrain, maison, etc”, mais la signification première est sans doute “proclamation” (du nom du gagnant), bsq. GAL-AR-OTS “charivari” de /GAL/ “cri” + /AR/ “mâle(s)” + /OTS/ “bruit, vacarme”.
  Ainsi, LINGAR/NINGAR et même NIGAR/NEGAR, avec chute de la nasale, signifierait litt. “fondre en eau tout en gémissant”, cf. ZINK-UR-IN “pleurnicherie” du bsq. moderne.

2º) Une autre interprétation est concevable :
  Une autre racine /*GAR/*KAR/ homophone de la précédente signifie “faire”, donc LINGAR “suintement”, litt. “émettre de l'eau, produire de l'eau”. Cf. lat. creāre (th. II réduit) “produire, faire pousser, faire grandir”, M. 149, gall. creu, irl. creawdr, skr. kár-vara “action” ; cf. skr. sū-karaḥ , litt. “(animal) qui fait hū(s)” (le /s/ et le /h/ permutent), en effet, avest. (huvō) “porc”, sémit. al-ouf ; la métathèse de la fome skr. sū-karaḥ a produit lat. porcus, cf. skr. usā-kal-a lat. gallus “coq” (p/k).

  Le terme /*GAR/ “faire” ne se retrouve qu'en composition en bsq. : SUKAR “fièvre”, MINGAR “piquant, qui fait “mal””, ZINGAR “viande de porc”, litt. “(animal) qui fait ZINK, le criard”, le parallèlisme de la formation avec le skr. apparaît, peut-être HAZKAR “fort, rapide” ; le terme n'est plus compris que comme suffixe, résultat de sa grammaticalisation : GALGARRI “dangeureux, périlleux”, IRRI(N)GARRI “risible, ridicule”, etc et dans la formation des ordinaux : BIGARREN “(unité) qui fait deux”, BOSTGARREN “cinquième”, etc. Cf. E. BENVÉNISTE, Institutions i.-e. - Noms d'agents et noms d'action, p. 144-168 - Le superlatif et l'ordinal.

  Toutefois, cette deuxième interprétation est peu probable, la comparaison avec les dialectes i.-e. établit dans ce champ sémantique la présence de la notion de “cri, gémissements, etc.” dans le signifiant “pleur” NINGAR.
  Cf. gr. δάκρυ (dákru) “larme” et lat. lacruma, lacrima, des th. II réduit /kr/. Le premier terme ne conserve plus que des traces du mot d'origine, probablement “eau”, /-a/ de /our-/oudn-/ et ὕδρω (húdrō) et surtout la métathèse ‘αθρυ/αθύρ' (athru/athúr) “eau” [bsq. ATHURRI = l'Adour] ; cf. arm. pl. artasu-kc (de /*draku-/), v.h.a. trahạn (/*drak-nu/) et, d'autre part, le thème /*dark(o)-/, got. tagr, irl. dēr, gall. deigr, skr. áśru, tokh. A ābrunt, tokh. B akrūna.
  Dans toutes ces formes, le souvenir du composé initial semble s'être brouillé ; seul le singulier arm. artawsr semble en conserver la trace, d'après Chtr. 249 (de /*draku-r/), mais la coupe de CHANTRAINE écartèle le thème /–GAR/-KAR/, intacte dans NIN-GAR/LIN-GAR, formes certainement originelles ou, du moins, très anciennes.

(*) Lat. quiritāre se disait aussi du sanglier, du verrat “grogner”, à rapprocher du bsq. KURRINKA “cri du cochon” ; à l'époque impériale quirites “civils” en langage de militaires = “les criailleurs, les rouspéteurs” (César aux soldats à titre de reproche : Tac. An. 1, 42) ; sens de l'expression bsq. contemporaine : BETHI KURRINKAZ “éternels geignards”.
 
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