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LAI/LAIA : 1º “instrument aratoire, fouilleur” ; 2º “croissant semi circulaire” pratiqué au bord de l'oreille aux bêtes montant en estive, “marque codée” permettant le contrôle de propriété. Homonyme LAIA “jeune pousse” des arbres en général.
  La deuxième acception est transparente : idée de “tour”, donc la première acception “instrument aratoire” = “pour défoncer, retourner le sol”. Racine i.-e. /*wo / el-/ “tour, tourner”, thème II, rare en euskera, comme LEI/LEHI “désirer, vouloir”.
  Rapprochement hypothétique : gr. « λαȋον [laȋon], accusatif singulier, partie de la charrue, le soc ou le coûtre (A. R. 3, 1335, hapax). Et. : Comme le rappelle FRISK, Brugge, KZ 20, 1872, 10, a évoqué un nom germanique de la faux, v. norr. , masculin, bas all. lē, lehe, masculin, mais ces mots supposent germ. *lewan-, i.-e. *lewon- ; on a ajouté, avec une voyelle dont le timbre ne peut être fixé, des noms skr. de la faux comme lavi-, masculin, et lavitra-, neutre, qui se rapportent à lunā́ti “couper” ; voir les doutes de MAYRHOFER, Etym. Wb. des Altind. 3, 93. » Chtr. 614.
  Dans gr. μακέλη/μάκελλα (makélē/mákella) et δίκελλa (díkella) “houe, pioche” CHANTRAINE, 660, ne trouve guère d’explication à –μα (-ma) et relève un suffixe –λyə2 (-lyə2) en substitution de -λᾱ (-lā). Or en irl. moderne on a loy ( gaël. Irl láí lāighe ) “bêche étroite munie d’un seul pose-pied” que The Merriam-Webster Unabridged Dictionary rapproche de gr. λαχαίνω (lakhaínō) « creuser ». Et bsq. LAIA, gaël. Irl láí, gr. –λyə2/-λᾱ (-lyə2/-lā) pourraient bien avoir leur base dans la racine /*who / el-/ “tour, tourner” et LEI/LEHI “vouloir, désirer”..., cf. thème II λάχνη (lákhnē) “duvet, poil, toison” [LAKAIN(A) “tignasse, toison”] car vrillée, bouclée, skr. ulaka “(laine) bouclée”. On retrouverait cette racine dans LA-IA, ITZ-UL, IRA-UL... Mais si l’on se base sur le second terme -κελλα (-kella) à κελεΐς (keléΐs) et σκάλλω (skállō) “fouiller, piocher, sarcler” reposant sur un /*sklyō/ lit. skiliù, skìlli “se fendre, faire jaillir du”, v. isl. skilja, got. skilja “boucher” (substatif) ; hitt. škāllai “broyer, fendre”. Bsq. ESKAILI “fendre”.

  En ce qui se rapporte au premier terme –µa (-ma) de gr. μακέλη/μάκελλα (makélē/mákella) nous proposons une aphérèse /MA-/ de HAMU (HAM-U) “tige”. Voir MAK(H)IL.

  Th. LEFEBVRE, in Les modes de vie dans les Pyrénées atlantiques orientales (Armand Colin, Paris, 1933), pages 208-209, formule l’hypothèse que la laya, semblable à « l’instrument aratoire des Incas, le taklla » a été introduite dans ce qu’il définit « la partie orientale les Pyrénées atlantiques [*] » (Biscaye et Guipuscoa, notamment) avec la culture du maïs. « À l’appui de cette hypothèse on peut faire remarquer que, lorsqu’un peuple emprunte à un autre une culture, il ne lui emprunte pas seulement la plante, mais aussi la manière de la cultiver. » L’auteur signale qu’aussi bien la laya que l’araire traditionnelle sont représentées sur des stèles tombales basques ne remontant probablement pas au delà du XVIº siècle, mais qu’« à la différence de ce qui s’est passé pour l’araire et la houe, on n’a pas trouvé d’exemplaire de laya dans les stations préhistoriques des Pyrénées atlantiques orientales ».
  Ce géographe du début du XXº siècle a pu supposer pour la taklla (chakitaklla) un phénomène de substitution analogue à celui connu pour ARTO : de l’acception “pain de mil” ce mot a pris la signification “pain de maïs” et son sens s’est étendu à celui de “plant de maïs” en même temps que disparaissait la culture du mil. Ainsi donc, le morphème laia, à supposer que l’instrument qu’il représente, tel que nous le connaissons, n’existât pas avant l’introduction de la culture du maïs et de ses pratiques annexes, pourrait avoir désigné un outil aratoire tombé dans l’oubli.
  Il y a cependant de bonnes raisons de penser que la laia est un instrument aratoire dont le nom, la typologie et l’usage sont attestés bien avant la « découverte » de l’Amérique. En premier lieu, le For général de Navarre fait mention de cet outil : « l’édition […] de 1869, sur une version de la série C dite C1 […] rédigée au milieu du XIIIº siècle en roman navarrais, […] en collationnant et complétant des fors […], rédigés en latin à partir du XIº siècle, une vingtaine de manuscrits […] » J. B. ORPUSTAN, Traduction française du For général de Navarre, p. 2. À la page 45, le texte roman navarrais rapporte : « […] Si lis dán carne deven venir á esta labor todos como pora si, los que han bestias, con bestis, et los assadores con assadas et fozes, ó segures, ó layas [nous soulignons] pora quoal labor son clamados […]. » J. B. ORPUSTAN traduit “layas” par “bêches” (op. cité, p. 58). Koldo COLOMO CASTRO précise que dans l’original du Fuero general conservé à l’Archivo general de Navarra : «La palabra laya está escrita de la siguiente manera : laýas (códice A 1/40 verso). »
  En second lieu, Koldo COLOMO CASTRO documente dans son article « Las layas y su plástica a través de la etnografía y la iconografía religiosa » une sculpture où les personnages, supposés représenter Adam et Éve sont, le premier en train de bêcher avec une laia à chaque pied, et la seconde en train de filer. Cette sculpture orne le piédroit du portail de l’église Santa María de Erriberri/Olite, en Navarre, et elle surmonte une représentation d’araire équipée de roues. La réalisation de cet ouvrage s’est achevée dans le dernier quart du XIIIº siècle.
  Enfin, Gonzalo MANSO DE ZUÑIGA note « Et il n’y a pas de possibilité que cet instrument péruvien procède d’un outil similaire importé par un Basque inconnu compagnon de Pizarro ou d’Almagro, étant donné que celui qui dessina, aux environs de 1613, les illustrations ici publiées, évoquait ce qu’il avait vu durant son enfance comme un objet très ancien et usuel dans son village. Ainsi donc on ne peut que penser que par une surprenante coïncidence les Péruviens et les Basques utilisaient des instruments très ressemblants pour travailler la terre. » Laia, in BSVAP, année XVI, 1960, cahier 4, p. 427, rapporté par Juan GARMENDIA LARRAÑAGA, La forja del hierro y el labrado de la madera en Berastegui, p. 14, in EUSKO IKASKUNTZA 6, 2007.
  Une pièce “étiquetée” LAYA (Nº 49, origine ETXAURI) est exposée dans la salle dédiée á la préhistoire au sous-sol du Museo de Navarra de Iruñea/Pampelune. La découverte d’une laia sur nos terres par les archéologues confirmerait de manière irréfutable l’autotochnie de cet outil. Mais les professionnels consultés (Mars 2010) pensent qu’il s’agit plutôt d’un soc de charrue et renvoient à la revue PRINCIPE DE VIANA, année VI, Nº XVIII, 1945 : lámina [planche] VIII, pièce [g sur la planche] 29 [dans la légende] : « soc de charrue. Lame large et courte comme celle trouvée à Geras (municipalité de La Pola de Gordón) avec d’autres instruments en fer (cf. Atlantis 16 (1941) 182-185) et celle que reproduit Déchelette, Manuel II p. 1379, fig. 610.3 trouvée à Idria (Goritzia) dans un ensemble de La Tène III (planche VIII). »
  Le « théorème » de Th. LEFEBVRE selon lequel un peuple empruntant à un autre une culture, lui emprunterait non seulement la plante, mais aussi la manière de la cultiver, ne semble pas se vérifier lors de l’adoption du maïs par les Basques. Leurs pratiques culturales étaient simplement en phase avec celles des Incas. Les paysans quechuas sur leurs impressionnants rubans de terrasses et leurs homologues basques accrochés à leurs lopins suspendus à flanc du saltus feraient-ils partie de cette vaste confrérie circumterrestre « des hommes de la houe » évoquée par Fernand BRAUDEL [**], les uns en l’absence d’animaux de trait, les autres parce que le travail de l’araire ne donnait probablement pas satisfaction sur les terres lourdes de leurs parcelles réduites ?

[*] L’auteur précise (pages 7 et 8) que les « Pyrénées atlantiques » s’étendent depuis le pic d’Anie jusqu’au « massif hercynien des Asturies et de Galice [...] Depuis le Pic d’Anie jusqu’au-delà de Bilbao s´étend la partie orientale caractérisée par la disparition rapide des terrains cristallins et primaires [...]. »
[**] Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme – XVº-XVIIIº siècle – 1. Les structures du quotidien, p. 192.
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