HEREN SUGE : 1º “serpent” (et “serpent
d’airain” ?) ; 2º “dragon” réputé
habiter sous terre, et qui provoquerait les tremblements de terre en s’agitant.
Responsable de violentes tempêtes.
Le radical /*HER-/ se retrouve dans le toponyme
HERLEPO “col du dragon”, à l’Est du massif d’ERROIZATE
(Estérençuby) et voisin de HARTXILONDO, site d’un antre
souterrain et repaire possible de HERENSUGE, suivant le mythe.
Nous aurions /SUGE/ “reptile, serpent” et de /HEREN/
qui peut signifier “troisième” ou “tiers”
HIRU
“trois”, ce qui paraît inexplicable ; on doit être
en présence de génitif
de /*HER-/ “terre”
HERR-I “pays”, HER-HAUTS “poussière”,
litt. “cendre de HER-”, HERRESTA “traîner”...
Dans ce cas /HEREN/, génitif possessif, serait adjectivant
“serpent de la terre” = “chtonien”, cf. gr.
ὀφιο-χτονη
(ophio-khtonē) “sorte de scolopendre”. De fait dans la
mythologie basque ce dragon vit au fond des gouffres, s’exprimant
par les tremblements de terre notamment. Parfois on l’aperçoit
en fin d’après-midi s’envolant en flammes depuis le mont
ARRADOI (Ispoure) et se dirigeant toujours vers le couchant ou l’Océan.
Il provoque des terreurs si grandes que mort peut s’en suivre : vers
1920-30 un garçonnet de la maison BETTIRIA (Estérençuby)
revenant de l’école de BEHEROBI crût voir ce dragon s’envoler
de tout près de lui, près de la fontaine LAKO-KO ITHURRIA
où l’enfant s’abreuvait... Il courut si fort pendant
environ deux kilomètres de côtes jusqu’à la maison,
que peut-être frappé d’insolation, il en mourut peu après.
On comprend ainsi la persistance des tabous relatifs au serpent. De plus,
un autre mythe veut qu’un serpent “source de vie” habite
dans le corps humain = moelle épinière, dont la tête
constituerait le cerveau. Anthropologie et cosmologie homomorphes.
Correspondances possibles : Rig-Veda
ȧher “dragon” dans
ȧher yātāram “le
poursuiveur de dragon” (I 32,14), Bvn., Noms d’agents,
16 ; Chtr. 842, skr. ȧhi “dragon”
s/ὄφις (óphis)
“serpent” ; avest. ai
i.-e. /*ogwhi-/
; gr. ἔγχελυς
(énkhelus) “anguille”, lat. anguis
“serpent” ; v. prus. angurgis
; lit. ungurgis “anguille”
; gr. ἴμϐηρις
(ímbēris) “anguille”, λέϐηρις
(lébēris) “peau de serpent”. CHANTRAINE précise
: « Il est possible que ὄφις
[óphis] soit apparenté à ἔχις
[ékhis] “vipère” (vocalismr /e/
et occlusive
palatale) et ἔγχελυς
[énkhelus], à lat. anguis,
à baltique v. prus. angis, etc.
»
Pour /HEREN/ la racine semble être /*HER-/ “terre”
(cf. HERRESTA “traîner” ; onomastique
ERRATZU ; anthroponymes
HERRIESTA, ERRATXU). Se retrouve à vocalisme /a/
dans ARPA-TU “taller, ramper”, lat. serpens,
gr. ἑρπετόν
(ϝerpetón), skr. saŕpaḥ
“ramper”. Le mythe se retrouve dans l’Apocalypse de
Jean : vierge enfantante et dragon, de même que dans la Genèse
: Eve et le serpent. Cf. J. M. BARADIARAN, Euskal Herriko mitoak.
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