EZNA-TU/ESNA-TU “se mettre à produire du lait”
dit de la mère qui vient d'enfanter, de mettre bas. Exemple «
BEHI HORI ESNATU DA OSOKI, LIPITZAK GALTZEN DITU ERRAPETIK : cette
vache s'est mise à faire du lait tout-à-fait, elle perd des
gouttelettes de la mamelle. » de /EZNE/ESNE/ “lait”,
+ /TU/ suffixe de thématisation
verbale.
On ne peut éviter d'en rapprocher bsq. NEGU “hiver” qui aurait subi l'aphérèse de la syllabe à sifflante /ez/ comme latin nūtrix ? Pour Chtr. 740 à νείφει (neíphei) “neiger” : « La base sur laquelle repose cette famille est /*sneighw-/ : noms-racines dans gr. accusatif νίφα [nípha] (avec αγα-νειφον [aga-neiphon]) qui confirme le /s/ initial [...] Noms à vocalisme plein et thématisé, i.-e. /*snoigwho-s/ [...] Le skr. possède un radical /sneh-/ qui reste évidemment dans cette famille de mots, mais qui signifie “être collant, fondre” avec sneha-m “fait d'être collant” qui répond exactement à avest. snaetā... snihyati “être collant”. On a supposé pour les emplois skr. une altération de la valeur “neiger”. Il est plus probable que le sens originel de cette base est “(se) conglomérer, (se) coaguler” et que l'emploi pour la condensation atmosphérique résulte d'une spécialisation. » Voilà qui justifierait le rapprochement avec bsq. EZNE “lait” et ESNEKI/EZNAKI “laitages” et “neige” par métaphore. Hypothèse sur l'origine de bsq. ESNE (ESENE et ENSIA, Estérençuby) : skr. snauti évoque très fort bsq. EZNATU. Le bsq. EZNE doit être une racine suffixée: /*EZ-/ “manger”, cf. HAZI “nourrir, élever, accroître, grandir”, ASE “saturé”, GOSE “insaturé : avoir faim” ; le préfixe /GO-/ est une marque de négatif ; et gr. impersonnel ἔσθι (ésthi) “mange”, dont semble dériver ἐσθιω (esthíō) “je mange”, lat. ēst, lit. ēs-ti, v. sl. ěs-tu, d'où jastŭ. Chtr. 313 : « on pose donc i.-e. /*ēd-mi/. » Le développement de formes thématiques qui s'observe en grec : ἐσθίω, ἔδομαι, ἔφαγον, ἐδήδοκα, ἠδεσθην (esthíō, édomai, éphagon, edḗdoka, ēdesthēn) se retrouve dans got. itan “manger”, arm. avec vocalisme /ō/ dans utem (formation itérative qui répondrait à gr. *ὠδεω (ōdeō). Et bsq. IAT-EN “manger”. La suffixation du bsq. /-Z-N-E/, forme inattendue dans la langue, comme par exemple /-ln/ en indo-européen (cf. lat. uolnus), s'expliquerait par une désinence de génitif /-EN/ ou la postposition d'une particule de subordination /-EN/-AN/ (gr. /ἄν/ (án) prépositionné et modal) : /*EZ-EN/ “du manger, de la nourriture” ou bien “ce qui (se) mange”, la voyelle finale /e/ serait un déterminant ? (les actuels déterminants, postpositionnés toujours, étant réputés de formation récente...) : les substantifs déverbatifs ont souvent une finale en /-TE/, EZNAT(Z)E “fait d'allaiter” qui serait une suffixation sur radical déjà suffixé, mécanisme régulier de la grammaire basque. Ainsi, entre /z/ et /n/ de EZNE, une voyelle se serait amuïe par contraction. Pour lat. uolnus “blessure”, MEILLET 749 observe : « le groupe /ln/ aboutissant normalement à lat. /ll/, on admet que quelque élément s'est amui entre /l/ et /n/ de uolnus ; mais on ne sait lequel. » Or gr. Hom. οὐλή (oulḗ) “blessure”, puis lat. uolnus, on peut supposer qu'il y a eu un suffixe de génitif en nasal (i.-e. /s/), qui s'observe dans de nombreuses formes, latines notamment, bien que plus ou moins brouillées : hominis, hominum, eorum [bsq. EUREN], etc. D'autre part, des féminins grecs et certains adjectifs dénominatifs se révèlent être des noms fléchis au génitif. Le problème est largement traité par E. Bvn.,, Origines, 177 : « les formations nominales à suffixe /*-en/ sont trop connues pour mériter ici plus qu'un rappel. [...] Le seul fait à établir est la double affectation de ce suffixe dans la dérivation : 1º il sert à constituer des dérivés casuels, génitif-ablatif singulier, génitif pluriel en s'adjoignant des désinences : asth-n-áḥ, krátū-n-am ; 2º il fournit des féminins à l'aide de suffixe de “motion” [possessif], dans le type pátiḥ : pát-nī, gr. ποσις : ποτνις [posis, potnis] “maître” et “maîtresse”. Nous ramenons à l'unité cette double fonction : le /n/ du génitif asthnáḥ et le /n/ du féminin pátnī ne font qu'un. Génitif et féminin sont des modalités de la notion générale d'appartenance que l'adjectif exprime : or le génitif en /*-en/ et le féminin en /*-en/ sont des variétés, précisées par les désinences de l'adjectif en /*-en/. » Chtr. Formation 107 : irl. rig : rigain, skr. rāj : rājnī, lat. rex : regina “roi : reine”, gr. θέος : θεαινα (théos, theaina) “dieu : déesse”, etc. Bsq. EZNATU et skr. snauti “émettre du lait” expliquent lat. nūtrīx “nourrice”, forme très ancienne (MEILLET 453) dont dérivent lat. nutriō “nourrir de son lait, nourrir”, *nuō “j'allaite”, verbe disparu (MEILLET), gr. νόα (nóa). Un avatar des évolutions dialectales : la racine /*EZ/*es/*ed/ s'est perdue dans les formations i.-e., excepté skr. snauti qui n'en a gardé que la trace /s/. Cf. nūtrīmen, nūtrītor, *nūtrītio, nūtrificō, nūtrīre... |
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